Quelle est la valeur des relevés bancaires en tant que moyen de preuve ? Aux termes de l’article 106 de la loi du 6 juillet 1993, les relevés de compte sont admis en matière judiciaire en tant que moyens de preuve entre les établissements de crédit et leurs clients commerçants dans les contentieux les opposant, jusqu’à preuve du contraire et sous réserve de la circulaire de Bank Al Maghreb. Il s’agit en l’occurrence de la circulaire portant N° 4/G/98 du 5 mars 1998. Selon cette circulaire, le relevé de compte doit comporter notamment :
– les éléments d’identification du titulaire du compte et de l’établissement de crédit auprès duquel le compte est ouvert
– les caractéristiques de chaque opération (libellé, montant, dates d’exécution et de valeur…)
– le taux d’intérêts effectivement appliqué, le mode de calcul des intérêts et les commissions prélevées.
Sur le plan pratique, ces dispositions posent quelques problèmes :
D’un point de vue technique d’abord, il semble que l’application stricte du contenu de ladite circulaire nécessite quelques réaménagements au niveau de la programmation informatique bancaire.
D’un point de vue judiciaire, ensuite, les tribunaux de commerce qui ont la compétence pour trancher les litiges qui opposent les banques à leurs clients sont hésitants. Ainsi lorsque les relevés bancaires ne sont pas conformes à ladite circulaire de Bank Al Maghreb, certains tribunaux rejettent purement et simplement la demande des établissements bancaires ayant pour objet l’assignation en paiement de leur client défaillant. Au contraire, d’autres tribunaux de commerce comme celui de Casablanca ou d’Agadir, le tribunal de Marrakech qui compte par ailleurs en son sein des magistrats de grande qualité fait du rejet de telles demandes sa position presque constante. Ce choix est à notre sens très contestable. En effet, les actes en litige étant de nature commerciale, on est en droit de penser au principe de la liberté de la preuve en matière commerciale instauré par la jurisprudence et consacré par l’article 334 du code de commerce.
L’application de ce principe permet au moins de considérer les relevés de compte non conformes à la circulaire de Bank Al Maghreb sinon comme une preuve de la créance de la banque du moins comme un début de preuve qu’une expertise, le cas échéant, peut conforter ou non. C’est moins grave que le rejet pur et simple de la demande. C’est plus conforme à l’esprit du droit commercial qui a fait de la liberté de la preuve un principe dominant dans les relations entre commerçants.