Faut-il avoir peur du time share ?
En l’absence d’un cadre juridique légal, les autorités marocaines se comportent avec prudence face à un phénomène qui est appelé à se développer dans les années à venir, et qui nécessite de la part du législateur plus de fermeté pour éluder le flou juridique qui l’entoure et protéger ainsi le consommateur contre tout abus éventuel. Mais de quoi s’agit-il exactement ? de la multipropriété au time share longtemps connu sous le vocable de multipropriété, le time share ou la jouissance à temps partagé est une technique qui confère à l’acquéreur le droit de jouir à temps partiel d’un bien immobilier a usage d’habitation et pour une période déterminée. A la notion de multipropriété inventée par le droit français (loi 86-18 du 6 janvier 1986), les américains ont ajouté celle d’échange par l’intermédiaire d’une bourse internationale. Il en existe trois dans le monde : Interval International, Resort Condominium International (RCI), et Dial Exchange. Les Anglais ont introduit l’idée de club qui ouvre le droit à l’adhérent d’occuper un appartement choisi au sein d’un portefeuille de résidences, pour une semaine flottante dans un type de période donnée, haute, moyenne ou basse saison qu’on désigne généralement par une couleur qui permet alors un ordre dans l’attribution des semaines effectives. Une société de «trustee» est censée dans ce cas garantir l’existence de titres de propriété permettant au vendeur d’assurer le bon fonctionnement du club. Des méthodes de vente agressives On reproche aux sociétés de time share leurs méthodes musclées de vente. En effet les consommateurs de time share qui peuvent être soit des touristes de passage, soit des personnes démarchées dans la rue subissent le plus souvent l’harcèlement de vendeurs aux méthodes parfois musclées, qui les invitent à un cocktail au cours duquel ils sont censés gagner un voyage gratuit. Une fois sur place, on leur propose une semaine de time share. Le pauvre client ne sort du prétendu cocktail qu’après avoir déboursé 100 % du montant de l’adhésion par ordre de virement interbancaire, afin, lui précise le vendeur, de bénéficier d’un droit de priorité. Le plus courant c’est qu’il va verser un acompte et étaler le reste du paiement sur une année puisqu’il veut profiter de la possibilité de crédit gratuit que lui offre généreusement la société de time share. Peu de clients sortent indemnes de cette séance qu’on peut assimiler plus facilement à un lavage de cerveaux qu’à l’entretien commercial. La communauté européenne a réagi face à ces méthodes de vente agressives, et ce, en élaborant la directive du 26 octobre 1994 relative à la protection des acquéreurs d’immeuble en jouissance à temps partagé. Cette directive devait être transcrite dans les droits nationaux avant le 29 avril 1997. La France et l’Espagne y ont souscrit successivement en date du 8 juillet et 15 décembre 1998. Cette législation prévoit de laisser un délai de réflexion d’au moins 10 jours à l’acheteur, d’interdire le versement d’acompte avant ce délai, et de fournir un contrat dans la langue du client. Dans la pratique, nombre de sociétés ne respectent pas ces dispositions élémentaires d’où la multiplicité d’abus et de scandales qui défraient régulièrement la chronique judiciaire et qui ne cessent de ternir l’image de marque déjà bien affectée du time share. Des charges annuelles prohibitives Une fois qu’il devient membre du club, le client est appelé à verser des charges, dites d’entretien, dont le cumul sur 52 semaines permet bien souvent l’achat de l’immeuble lui-même. Il subira dans certains cas des augmentations qui peuvent atteindre 108 %. Le refus de payer exposera l’adhérent à l’interdiction de jouir de ses semaines de vacances et peut le priver définitivement de son statut de propriétaire. Ces augmentations s’expliquent par les défaillances des multipropriétaires qui se refusent à honorer leurs charges, mais aussi par l’incurie des gestionnaires. Le droit d’échange totalement aléatoire Le mécontentement tient aussi aux bourses d’échanges. Le troc constitue en effet l’atout majeur du time share. Mais en pratique, les choses ne se passent pas toujours comme on vous le décrit au moment de la signature du contrat. En réalité, seules les périodes de très hautes saisons dans les endroits les plus prisés sont facilement échangeables. S’ajoute à cela un coût très élevé, et l’obligation de s’y prendre au moins un sinon deux ans à l’avance. Les frais sont de l’ordre de 150 à 200 dollars US selon la destination, non compris les frais d’adhésion d’environ 100 dollars US. Nombreux sont les clients dont les semaines ne sont plus échangeables car la bourse d’échange a tout simplement rayé la résidence de ses catalogues considérant que leur standing ne répond plus au standing international. Recul du time share en Europe, émergence au Maroc L’instauration du droit de rétractation en Europe suite à la directive communautaire a mis un frein aux pratiques abusives des sociétés de time share, et se trouve à l’origine de la régression de ce procédé. En effet, la protection essentielle à laquelle doit penser le législateur marocain doit porter sur le droit de rétractation. Les plaintes les plus nombreuses et celles pour lesquelles le recours au droit commun est le plus difficile concernent moins les difficultés d’exécution ou les conditions d’obtention du consentement que les méthodes de vente. Celles-ci reposent sur deux principes simples : en premier lieu, la participation à des jeux de hasard truqués dans lesquels le gain d’une semaine de vacances est systématique, qui permet d’entraîner les touristes dans des résidences pour le retrait de leur lot, la seule condition posée étant l’assistance pendant 90 minutes à la présentation «d’un nouveau concept de vacances»; ensuite, la manipulation psychologique du consentement par une mise en scène bien rodée des heures durant. L’intervention du législateur marocain comblera le vide juridique en la matière et mettra fin à des pratiques qui portent préjudice à notre économie et à notre tourisme. Les professionnels du time share vous diront qu’il permet d’assurer un taux de retour important des touristes qui acquièrent des semaines en time share au Maroc. A ceux-là nous diront qu’à l’instar des autres pays, nous devons pouvoir assurer un bon taux de retour par la diversification de nos produits touristiques et l’amélioration de la qualité du service offerts au client, d’autant plus que nombre de sociétés de time share qui trouvent au Maroc leur terrain de prédilection se permettent de vendre à partir de chez nous des semaines de vacances dans des résidences se trouvant en Espagne ou ailleurs, et quand ils vendent le Maroc, ils trouveront le moyen de pratiquer au vu et au su de tout le monde l’évasion fiscale au travers des sociétés domiciliées dans les paradis fiscaux.
AL BAYANE N° 8781