Instrument privilégié du commerce international à court terme, le crédit documentaire est apparu à la fin du 19e siècle. Il s’est développé à partir de la deuxième guerre mondiale en raison des très sérieuses inquiétudes éprouvées par les entreprises américaines quant à la solvabilité de leurs partenaires européens. Simple dans les principes de base sur lesquels il repose, essentiellement une séparation entre le contrat commercial sous-jacent et l’opération documentaire elle-même, le crédit documentaire s’est développé à travers la pratique internationale qui a permis l’élaboration d’une réglementation spécifique sous l’égide de la Chambre de commer¬ce internationale (CCI) dont le rôle a été déterminant pour fixer et faire évoluer ce qu’il est convenu d’appeler les règles uniformes relatives aux crédits documentaires RUUCD ). Défini comme étant une opération par laquelle un ban¬quier intervenant, en vue du règlement financier d’une vente commerciale internationale, promet de payer le vendeur contre remise de documents qui lui assurent un gage sur la marchandise objet de la vente, le crédit docu-mentaire présente plusieurs avantages pour les utilisa¬teurs : – Outre le service de crédit, l’importateur bénéficie d’une sorte de service de caisse fourni par la banque qui lui assure le transfert des fonds au profit du vendeur une fois que ce dernier apporte la preuve par la remise des docu¬ments de transfert qu’il a réellement expédié la marchan¬dise conformément aux stipulations de la vente. – L’exportateur quant à lui profite des services de la banque de l’importateur qui se charge de transférer les fonds sur son compte. En outre, est c’est le plus impor¬tant, il bénéficie d’une grande sécurité, celle d’être payé du prix de la marchandise quelle que soit la situation financière de l’importateur. Les parties – l’importateur et l’exportateur – sont appelées à préciser la nature du contrat, qui peut être révocable ou irrévocable. – Le crédit est dit révocable lorsque le banquier de l’ache¬teur ne contracte pas d’obligation directe envers le ven¬deur. L’accréditif qu’il lui envoie ne le lie pas définitive¬ment. – Le crédit est réputé irrévocable lorsque le banquier de l’acheteur souscrit envers le vendeur l’engagement ferme de lui payer le prix de la vente dés lors que les conditions stipulées dans le crédit auront été respectées. Le crédit documentaire irrévocable peut être non confirmé, et dans ce cas la banque du bénéficiaire ne prend aucun engage¬ment sauf celui d’apporter un soin raisonnable à vérifier l’authenticité apparente du crédit qu’elle notifie. Il peut être. infirmé, et dans ce cas le bénéficiaire jouira de l’engage¬ment ferme de sa banque en vue de renforcer l’engagement du banquier de l’importateur. Il ressort de cette présentation schématique des tech¬niques relatives au crédit documentaire, que celui ci est destiné à assurer le financement du commerce internatio¬nal en assurant un maximum de sécurité aux différents intervenants. Parmi les multiples problèmes qui peuvent survenir en pratique, il y en a un qui retiendra notre attention. Il peut arriver qu’un donneur d’ordre (l’importateur) considère que la marchandise attendue ou déjà reçue n’est pas celle prévue au contrat commercial malgré la confor¬mité des documents et décide d’empêcher l’exécution du paiement entre les mains de l’exportateur. S’agissant d’un crédit documentaire irrévocable, la banque ne peut accepter l’exécution de telles instructions. Dans un tel cas de figure le donneur d’ordre peut s’adresser au tribunal. Afin de demander la pratique d’une saisie arrêt sur le cré¬dit entre les mains de la banque. La question qui se pose est de savoir si on peut l’y autoriser. La jurisprudence française estime que la saisie du don¬neur d’ordre est contraire à l’irrévocabilité du crédit ouvert à sa demande. Dans le même sens la jurispruden¬ce anglaise refuse au donneur d’ordre une telle faculté de saisie ou autre forme d’injonction qui aboutirait à para¬lyser le crédit. Dans certaines de ces décisions elle ve même jusqu’à élever cette règle au rang de règle d’ordo public international anglais. Au Maroc, sans parler de jurisprudence, nombre de déci¬sions autorisent de telles demandes, mettant ainsi les banques marocaines en position délicate, car elles son, obligées d’exécuter l’ordonnance de saisie ,alors qu’elle, sont engagées envers le bénéficiaire irrévocablement (IL manière totalement autonome et indépendante. Au delà du problème posé par de telles ordonnances de saisie à nos banquiers, c’est l’atteinte à notre image de marque e à notre crédibilité qui me semble très grave. Il est plus qu’essentiel que nos juges prennent conscience de la spécificité du crédit documentaire en tant que moyen de règlement de créance dont les règles n’autori¬sent nullement de telles saisies (article 9 des RUU). il y va vraiment de notre crédibilité sur le plan international .
AL BAYANE N°8823