Le droit est-il en crise ?
Sans doute. De tout temps, sa définition a-t-elle été une profonde énigme. Mais la société des hommes a su jusqu’à présent s’en satisfaire. Aujourd’hui cela devient de plus en plus difficile. La prolifération des règles et la multiplication des jugements dans un sens qui n’est pas toujours conforme au droit ne sont pas étrangères à ce phénomène.
Sur le plan théorique, le droit a pour objet d’assurer justice et sécurité. La protection des droits passe par une bonne application du droit. Mais dans la pratique les choses sont souvent différentes. Les droits ne bénéficient pas toujours d’une bonne protection. Ils font l’objet de plusieurs types d’atteintes.
– Des atteintes dues à une mauvaise application de droit par les tribunaux. Ce n’est plus un secret pour personne que notre justice cherche encore ses marques en termes d’indépendance, de transparence et d’intégrité. Il reste beaucoup à faire dans ce sens. En attendant, nombre de décisions de justice, par une mauvaise application de droit, bafouent les droits. Pour être juste, disons que ce n’est pas seulement à cause de la dégénérescence de notre système judiciaire qui souffre de corruption. Nos tribunaux comptent en leur sein de très bons juges qui font honneur à la profession de magistrats. Le problème est plus profond. Parfois la loi est douteuse, le législateur s’étant mal exprimé. La réalité est tellement complexe qu’elle peut révéler une situation non prévue par la loi. Et puis celle-ci, œuvre de l’homme dans son effort sans cesse recommencé pour maîtriser l’avenir, échoue fréquemment.
Chez nous, la crise du droit va de pair avec la crise du juge. Cette double crise appelle d’urgence une grande vigilance de la part des pouvoirs publics qui doivent faire en sorte que le droit devienne ce qu’il doit être, une médiation entre le juste et le sage.
Des atteintes dues au droit lui-même, à travers une prolifération toujours croissante de lois, réduisent dans certains cas le champ des droits. Le code de la presse ou celui relatif à la procédure pénale peuvent par certaines de leurs dispositions en constituer une illustration.
Des atteintes dues aux nouvelles technologies face auxquelles le Droit ne s’est pas encore organisé, ou en a tout simplement profité pour réduire le champ des libertés. A titre d’exemple : Internet, les cartes bancaires, ou le portable, qui sont autant de moyens nouveaux censés nous affranchir des contraintes du quotidien, se heurtent de plus en plus à notre vie privée, et à notre liberté individuelle.
Pour atténuer les effets néfastes de ces différentes atteintes aux droits, il faut redonner au droit la place qu’il mérite en rappelant les juges au respect de la mission que le droit leur confie, au service de toute société démocratique, et non, comme le précise si bien François Terré, à celui de leurs passions, de leurs vindictes ou de leurs ambitions.